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Songdo IBD
Transports et numérique

Coupe urbaine analytique, Tristan Huguen

De l'espace public au logement, les dangers et promesses du numérique et de l'automatisation

               En 2018, 24% des émissions de CO2 mondiales étaient liées au secteur des transports, dont les trois quarts émissent par le traffic routier, soit 18% des émissions totales (https://www.planete-energies.com/ et www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr).

Également source de nuisances sonores, d’émissions de particules fines, et consommatrice d’espace, la circulation routière est un problème majeur qui concerne l’ensemble des mégapoles. La gestion des flux était donc un des enjeux majeurs de la conception de Songdo, pour laquelle les ingénieurs et urbanistes ont souhaité développer le système de transports le plus « propre » et efficace possible, sur le papier.

 

Pour minimiser la place de la voiture en ville, l’offre de transports en commun devait être particulièrement accessible et attractive pour inciter un maximum de citoyens à les emprunter quotidiennement. Pour répondre à ces objectifs, différentes stratégies ont été mises en place :

Il n’importe que l’utilisation de la voiture à Songdo est similaire à celle de Séoul. La smart-city est en réalité traversée par de larges boulevards et carrefours, et si, la voiture parait moins présente dans l’espace public, c’est que la quasi intégralité des parkings de la ville sont en souterrains, mais non, les voitures n’ont pas disparu.

L’évolution des modes de transport dépend d’une part de l’offre (qui dans le cas de Songdo ne s’est avérée ni révolutionnaire, ni particulièrement attractive), mais aussi de l’évolution des habitudes des habitants qui fluctue et évolue sur des temporalités longues.

La part de l’utilisation de la voiture plus importante à Songdo pourrait s’expliquer par les allers et retours quotidiens de salariés venant travailler dans le centre d’affaire, mais c’est également le cas pour Séoul, situé au cœur d’une aire urbaine de 25 millions d’habitants. L’heure de trajet vers le centre de Séoul (donc jusqu’à deux heures pour la périphérie Est) n’a pas convaincu les usagers d’emprunter le métro. De manière générale, ces chiffres sont à manipuler avec précaution, car le rapport du nombre de trajets total au nombre d’habitant est biaisé car de nombreuses personnes ne vivant pas dans la ville en question s’y déplacent tout de même, la donnée la plus importante est la part du type de déplacement par habitant réel. Pour Séoul, 35% des trajets sont effectués en voiture par les locaux, cette donnée n’est pas disponible pour Songdo, mais on peut estimer qu’elle est similaire.

 

Parallèlement, bien que le vélo soit jusqu’à 4 fois plus utilisé à Songdo, nous pouvons faire l’hypothèse que cette différence est principalement liée à la topographie de la ville, construite sur un polder plat, contrairement à Séoul, capitale extrêmement vallonée et coupée par des collines et petites montagnes.

De plus, ce mode de déplacement est en pleine mutation. Séoul a lancé son offre de vélos en libre-service en 2015, et depuis, le nombre d’usagers quotidiens n’a cessé de croitre. En 2021, 87 800 vélos furent « loués » dans la capitale, soit un rapport de 0.85%. Certaines sources affirment que l’utilisation du vélo à Séoul représenterait, libre-service et vélos de particuliers confondus, 1.4% des déplacements.

Offre de transports à Songdo - Kohn Pederson Fox

Typologies de voiries à Songdo – Kohn Fox Pederson

Caractéristique spécifique de la smart city, le numérique et les technologies de l’information s’insèrent dans toutes les strates de Songdo dans une optique d’optimisation des mécanismes de la ville. Caché ou faisant partie intégrante du paysage urbain, un réseau de capteurs variés analyse en permanence les flux, la consommation énergétique comme les conditions météorologiques.

Les concepteurs de Songdo se sont associés à différentes firmes internationales spécialisées dans la mise en place de réseaux, l’installation de capteurs de pointe ainsi que la collecte et le traitement de données. Parmi elles, Cisco, Henkel (qui y a notamment ouvert une usine d’assemblage de composants électroniques), Rittal et Seobu ont fait de la ville un terrain d’expérimentation à grande échelle, donnant naissance au programme U-City, pour ville ubiquitaire, c’est-à-dire la ville qui s’auto-analyse partout et tout le temps.

Ce réseau est de type USN : Réseau de Capteurs Omniprésents, c’est-à-dire un réseau qui collecte les données de différents types de capteurs. Une partie de ces capteurs est reliée par des câbles de fibre optique, d’autres sont des WSAN, des capteurs sans fil qui viennent s’intégrer au réseau USN selon les besoins. Ces données sont envoyées et forment un IoT, « internet des objets », constituées d’informations envoyées automatiquement par les capteurs et non par des individus.

          Caractéristique spécifique de la smart city, le numérique et les technologies de l’information s’insèrent dans toutes les strates de Songdo dans une optique d’optimisation des mécanismes de la ville. Caché ou faisant partie intégrante du paysage urbain, un réseau de capteurs variés analyse en permanence les flux, la consommation énergétique comme les conditions météorologiques.

Les concepteurs de Songdo se sont associés à différentes firmes internationales spécialisées dans la mise en place de réseaux, l’installation de capteurs de pointe ainsi que la collecte et le traitement de données. Parmi elles, Cisco, Henkel (qui y a notamment ouvert une usine d’assemblage de composants électroniques), Rittal et Seobu ont fait de la ville un terrain d’expérimentation à grande échelle, donnant naissance au programme U-City, pour ville ubiquitaire, c’est-à-dire la ville qui s’auto-analyse partout et tout le temps.

Ce réseau est de type USN : Réseau de Capteurs Omniprésents, c’est-à-dire un réseau qui collecte les données de différents types de capteurs. Une partie de ces capteurs est reliée par des câbles de fibre optique, d’autres sont des WSAN, des capteurs sans fil qui viennent s’intégrer au réseau USN selon les besoins. Ces données sont envoyées et forment un IoT, « internet des objets », constituées d’informations envoyées automatiquement par les capteurs et non par des individus.

L’ensemble de ces données est ensuite traité au centre de contrôle de Songdo (1200m2), où 22 opérateurs étudient l’état de la ville en temps réel. Nous pouvons diviser les analyses en trois catégories : les conditions météorologiques (précipitation, marées, humidité, poussière, pollution etc.), la sécurité et le traffic routier.

A gauche, le réseau de fibre optique, à droite, les bornes d’émission WiFi

Inter-American Development Bank

               Via des panneaux d’affichage, des hauts parleurs, caméras et boitiers d’appel, ce réseau est partiellement en interaction avec les citadins. Ces derniers auront accès à l’état du traffic routier et de la position des bus, des capteurs spéciaux détectent des cris ou bruits anormaux, vers lesquels se tourneront les caméras. Les plaques d’immatriculation des voitures sont lues afin de détecter de potentiels véhicules volés, les départs de feu sont détectés via des caméras thermiques et la luminosité des luminaires s’adapte en fonction du passage des piétons de nuit. La ville est en perpétuel ajustement. Par ailleurs, les données et images sont conservées 30 jours avant d’être effacées, et la ville assure ne s’en servir que pour la sécurité et l’optimisation de la ville.

La ville comptabilise :

- 61 Ecrans d’information sur le réseau de bus

- 5 bornes d’appels

- 432 panneaux avec capteurs pour analyse du traffic routier

- 1300 caméras (densité inférieure à celle de Séoul ou d'autres grandes capitales mais ces caméras sont très performantes et bénéficient du tracé des voiries, réctiligne et dégagé)

- 21 caméras dédiées à l’analyse du traffic routier

- 86 pylônes de différentes hauteurs avec caméras, haut-parleurs, boitiers d’appel vocal et capteurs

- 1 émetteur satellite

- 3 capteurs sur l’état et les mouvements du sol

- 3 caméras et capteurs pour l’étude des marées et prévention des inondations

- 2 caméras spécialisées dans la détection de départ de feux

- 3 capteurs de vitesse du vent

- 3 capteurs d’humidité et température

- 9 capteurs de luminosité, énergie solaire et rayons UV

- 3 capteurs de pression atmosphérique

- 3 capteurs de prévision des pluies et chutes de neige

- 3 capteurs de concentration en poussière et sable

- 3 capteurs de gel sur les routes

- 3 capteurs de brouillard

- 6 écrans d’informations générales dédiées aux citadins

Source: International Case Studies of Smart Cities, Songdo, Republic of Korea, Sang Keon Lee, Heeseo Rain Kwon, HeeAh Cho, Jongbok Kim, Donju Lee, Inter-American Development Bank, juin 2016

Centre de contrôle U-City à Songdo - IFEZ

Le numérique vient au service de la ville afin d’éradiquer la congestion automobile. Comme évoqué précédemment, de nombreux dispositifs permettent d’analyser le traffic routier en temps réel, et d’adapter les rythmes et temporalités des feux de signalisation. Grâce au réseau principal U-City qui s’étend sur 11.5km2, englobant certains quartiers à l’Est de Songdo IBD (6km2).

La géolocalisation des bus associée aux caméras et feux tricolores adaptatif permettent à la ville de n’avoir aucun embouteillage dans ses rues.

À Séoul, il est estimé que les voitures rejettent près de 8.1 millions de tonnes de CO2 par an dans l’atmosphère (Area Wide Calculation of Traffic Induced CO2 Emission in Seoul, Im Hack Lee, Seungjae Lee, Jin Soo Park, and Shin Do Kim, 21 juin 2011), dont 28% sont dus aux embouteillages.

Rapportés aux 2 300 000 voitures circulantes quotidiennement, cela représente 3 478 tonnes de CO2 par an par voiture dont 974kg dus aux embouteillages.

 

Si la ville de Songdo était aussi congestionnée que Séoul, les embouteillages pourrait donc en théorie émettre 61 000 tonnes supplémentaires de CO2 par an (974*63 000 voitures). C’est ici que réside un des succès de la ville qui remplit une partie de ses objectifs.

Coupes schématiques: en haut, un appartement à Séoul, en bas, un appartement à Songdo

Tristan Huguen

L’intégration du numérique concerne aussi bien l’espace public que l’intérieur des logements. Afin d’améliorer le confort des habitants et en théorie, diminuer la consommation énergétique des bâtiments, chaque appartement est équipé au minimum d’un écran connecté, permettant de contrôler le chauffage, la climatisation et les lumières de chaque pièce. Ils donnent également aux habitants des informations comme la météo, la qualité de l’air extérieur, les places disponibles dans le parking de l’immeuble et donnent accès à différents services : caméras du couloir, appels d’urgence, appels-vidéos avec ses voisins, appel de l’ascenseur, diffusion de musique et télévision pour certains modèles.

 

Dans les logements familiaux se trouvent au total :

  • Une caméra à côté de la porte d’entrée

  • Un lecteur d’empreinte digitale avec digicode pour ouvrir la porte d’entrer

  • Un chauffage par le sol (commun en Corée du Sud), contrôlable dans chaque pièce par boitier avec écran ainsi qu’une télécommande

  • Un écran central dans l’entrée ou dans le Salon – Home Control

  • Un frigidaire connecté où l’on peut enregistrer ses aliments, rappelant à l’habitant quand la date de péremption approche

  • Un écran supplémentaire dans la cuisine et dans la salle de bain

  • Des détecteurs de fumée, de gaz et de mouvements en cas d’urgence

 

D’un point de vue écologique, ces outils numériques soulèvent de nombreuses problématiques et révèlent les limites de Songdo :

D’une part, comme le souligne Suzanne Peyrard (qui a notamment travaillé au Smart City Lab de l’Université d’Incheon dans le cadre de son doctorat) dans un entretien ainsi que dans sa publication, Smart City Songdo? A Digital Turn on Urban Fabric, 2020, entre la fin des travaux des logements et l’emménagement d’une personne ou d’une famille dans un appartement de Songdo, le matériel électronique est devenu désuet et dépassé. Dans un cas les locataires n’utiliseront pas ou peu le matériel présent sur place. Dans l’autre, ils rachèteront en plus de nouveaux systèmes plus performants et modernes.

D’autre part, ces outils pourraient en principe aider à diminuer la consommation énergétique des bâtiments, nous verrons dans le bilan pourquoi ce n’est pas le cas sur le terrain. D’autant plus que leur fabrication demande des métaux parfois rares et des composants électroniques complexes dont l’empreinte carbone est lourde. D’après l’ADEME, le numérique représente 3 à 4% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde, une proportion en perpétuelle augmentation.

La fabrication d’une tablette électronique émet à minima 31kg de CO2 (ecotoxicologie.fr).

Pour les 96 628 logements de l’ensemble de la ville (IFEZ), ces tablettes représentent donc minimum trois mille tonnes de CO2 émises.

Ecrans de contrôle dans un logement de Songdo

Youtube

Calculer le bilan carbone de l’ensemble du numérique de Songdo serait trop complexe, compte tenu des relatives faibles données sur les quantités d’outils et sur leur bilan carbone précis. Néanmoins, nous pouvons affirmer que la mise en place de tels dispositifs ne s’insère pas dans une logique de diminution de la consommation du numérique et des émissions de GES, d’autant plus s’ils ne sont pas utilisés par les habitants et donc ne remplissent pas leur fonction principale qui est la diminution de la consommation énergétique des bâtiments.

Coupe urbaine analytique - Tristan Huguen

Pour poursuivre la lecture:

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Pour accéder à la bibliographie complète:

Tristan Huguen, 2023

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